Où sont gardés les trois enfants enlevés en pleine rue par des gendarmes le 25 mai 2021 et qui restent sous la responsabilité de la Gendarmerie nationale, mais sont invisibles pour leur mère ?
Suite à la plainte de dame Chawki-Kamel Noeline, l’ancien Directeur général de la Gendarmerie, Massina Yotroféi a produit une réponse frisant l’atteinte aux connaissances du Procureur général près la Cour d’appel de Lomé. Comme si les textes de loi étaient méconnus de tous.
« C’est en vain que l’on pourrait trouver dans le cas d’espèce, un seul élément pouvant établir l’infraction d’enlèvement de mineurs et de complicité d’enlèvement de mineurs tel que prévu par la loi, notamment l’article 372 et 378 du Code togolais de l’enfant », a écrit Massina Yotroféi au Procureur Général. Mais encore faut-il que celui qui brandit ces articles en maitrise les sens.
Les deux articles du code de l’enfant
L’article 372 du Code de l’enfant dit : « Lorsqu’il aura été statué sur la garde d’un enfant par décision de justice exécutoire, le père, la mère ou toute autre personne ayant autorité sur lui ou ayant sa garde qui, au mépris de cette décision, refusera de présenter l’enfant, l’enlèvera ou le détournera, le fera enlever ou détourner des mains de ceux qui en ont reçu la garde, sera puni d’un mois à deux ans d’emprisonnement. Les personnes visées à l’alinéa ci-dessus pourront bénéficier des dispositions de l’article 383 du présent code. Si l’enfant est représenté avant que le jugement soit rendu, le juge prononcera seulement une amende de 20 mille à 100 mille FCFA sans préjudices du bénéfice des dispositions du code pénal concernant le pardon judiciaire ».
L’article 378 est également clair : « Quiconque, contre le gré des personnes exerçant l’autorité parentale, sauf sur ordre légitime de l’autorité publique, aura entrainé, détourné, enlevé ou déplacé un enfant du lieu où ceux qui ont autorité sur lui l’avaient placé, sera puni de un à cinq ans d’emprisonnement ». Comment ces articles ont-ils été violés ?
La responsabilité de l’huissier Kpatcha Essodjolo
A l’analyse des éléments dont nous disposons, non seulement la responsabilité des gendarmes impliqués dans l’enlèvement est totalement engagée, ainsi que celle de leur hiérarchie, mais également celle de l’huissier Kpatcha Essodjolo.
Me Kpatcha Essodjolo qui a eu connaissance d’ordonnance produite en février 2021, a attendu le 28 mai 2021 pour courir la notifier à la mère des enfants qui, depuis 2018, détient une première ordonnance prise par un juge matrimonial lui confiant la garde des enfants. Il a ensuite attendu le 25 juin 2021 pour signifier le P-V de remise des enfants.
De février à mai, près de trois mois sont passés. En plus, on ne sait pas dans quel texte il est stipulé que l’exécution d’une ordonnance devrait précéder son exécution, étant entendu que l’huissier connaissait le domicile où vivent la mère et les enfants. Tout porte à croire que c’est après que la Gendarmerie a commis la gaffe que les services de l’huissier ont été requis pour enrober l’acte délictueux.
D’ailleurs, quelle est la réquisition du Procureur de la République qui mande l’huissier avant que celui-ci, intéressé par on ne sait quoi, se lève pour tenter de couvrir cette forfaiture. Me Kpatcha a exécuté l’ordonnance de février au sein du SCRIC où il dit avoir remis les enfants à leur père. Le SCRIC est devenu le lieu d’exécution des ordonnances. A moins que le SCRIC soit devenu le domicile du père des enfants.
A l’analyse, la Gendarmerie est auteure principale et le père des enfants est complice de l’enlèvement des trois enfants. Sans motif légal, parce qu’ils ont kidnappé les enfants le 25 mai 2021 avant de croire notifier l’ordonnance datant de février 2021, trois jours plus tard à la dame, et un mois après à son conseil. C’est le contraire qui est prévu par les textes : la notification avant l’exécution.
La responsabilité de la Gendarmerie
L’ancien Directeur général explique que la Gendarmerie a agi conformément à l’article 16 du code de procédure civile qui dit entre autres : « Les officiers de police judiciaire (OPJ) reçoivent les plaintes et les dénonciations ; ils procèdent à des enquêtes préliminaires dans les conditions prévues par le présent code ».
Voici la procédure consacrée et connue de tous les OPJ. Lorsque les OPJ reçoivent la plainte des mains du justiciable, tient informé le Procureur de la République et lui demande la conduite à tenir avant de mener son enquête. Les OPJ ayant enlevé les enfants, ou celui qui leur a ordonné de s’exécuter ont-ils tenu informé le parquet de cette plainte du sieur Nnulum, père des enfants ?
Si tant est que, conformément aux écrits contenus dans la réponse de Massina Yotroféi, la Gendarmerie a effectivement procédé aux enquêtes, elle aurait su que la mère des enfants détient toujours une ordonnance lui donnant la garde des enfants depuis 2018 et donc les raisons qu’aurait avancé le père pour tromper leur religion étaient fausses et farfelues. A moins qu’on veuille atteindre un objectif visé, quitte à tordre le cou aux procédures ici aussi.
Par ailleurs, si enquêtes il y a eu, la Gendarmerie aurait dû découvrir que l’ordonnance de 2018 existe et a toujours cours puisque n’ayant jamais été rétractée.
Au vu de ce qui précède, la Gendarmerie nationale ou sa hiérarchie a fait commettre un forfait d’enlèvement de trois enfants, un crime passible de peines prévues par les articles 372 et 378 du code de l’enfant. Le père Nnulum étant complice, est également frappé par ces articles. Ils ont enlevé les enfants avant de courir notifier l’acte à leur mère et plus tard à l’avocat de la mère. Tout comme l’a fait l’huissier Kpatcha Essodjolo. Les enfants ont été remis à la Gendarmerie par la Gendarmerie, au père, le sieur Nnulum qui reste introuvable à ce jour.
L’ambassade des Etats-Unis et les ministres des Armées et de la Justice interpellés
Un élément qui rend l’acte gravissime est le fait que ce sont des ressortissants américains qui ont été enlevés par les éléments de la Gendarmerie nationale qui ont argué avoir agi sur ordre de la hiérarchie. Oui, les trois enfants ont la nationalité américaine. L’ambassade des Etats-Unis se trouve alors concerné à plus d’un titre. Il s’agira de faire en sorte que les enfants qui ont été conduits après leur enlèvement à la Gendarmerie et gardés dans les locaux du SCRIC, soient retrouvés et ramenés au même endroit. On ose croire que la ministre des Armée, une femme et mère d’enfants saura faire ce qu’il faut. Et le ministre de la Justice, père d’enfants, ne restera pas impassible devant ce forfait. Bon à suivre.
Godson K.
Liberté N°3472 du Mercredi 22 septembre 2021